Feu Magazine N°5

Le marronnage, ou «l’art de la fuite des esclaves», comme le nomme Dénètem Touam Bona dans son ouvrage Sagesse des lianes, porte en lui les germes d’une nouvelle relation au monde. Fuyant la plantation capi- taliste et productiviste, les marrons ont trouvé refuge dans le prétendu «enfer vert» de la forêt tropicale. Ils se sont intégrés dans cet écosys- tème hostile, développant une compréhension profonde de leur nou- veau territoire, utilisant sa densité et son immensité pour échapper aux hommes à leurs trousse, tout en exploitant ses ressources naturelles. Sous la canopée, des communautés se sont formées, s’épanouissant en dehors des règles imposées par une société de contrôle. Le marron- nage est ainsi devenu un acte politique, profondément subversif, visant à façonner des scénarios contre-sociétaux et à se libérer des dynamiques de domination — celle des hommes sur les hommes et celle des hommes sur le Vivant.
Pour son cinquième numéro, FEU part à la recherche des nouveaux marrons, explorant les formes contemporaines de marronnage dans un monde hyper-connecté, bien au-delà des rivages des Caraïbes. Il se plonge dans les scènes underground qui dans la dissimulation de leurs existences déploient des espaces de liberté et génèrent des contre- cultures. Il rencontre des artistes, poètes et activistes qui rompent avec les réflexes normatifs et imaginent de nouvelles formes de création et de pensée. Il s’intéresse aussi à ceux qui migrent et s’exilent, souvent au péril de leur vie, poussés par la nécessité de se mettre à l’abri. Enfin, il célèbre l’expérience poétique et la contemplation, qui sont aussi des formes d’évasion face à un quotidien qui épuise parfois les corps et les esprits.

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